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Choc après le diagnostic

Vous avez été confronté(e) au diagnostic de votre enfant, ce qui bouleverse complètement votre vie et celle de votre enfant. Vous êtes traumatisé(e), éprouvez des sentiments comme la douleur et l’impuissance et luttez contre le choc. Dans ce témoignage, je vais vous raconter l'expérience de l’accident de mon enfant, les émotions que j’ai ressenties durant cette période difficile et la manière dont j’ai géré le choc.

Une personne encapuchonnée marche seule sur la plage. | © unsplash

S'engager seul sur la Un témoignage poignant sur la gestion des crises. (unsplash)

La nouvelle est un choc

Je me souviens. C’était il y a quelques années, un vendredi du mois de juin. Il était quinze heures trente et j'attendais le train à Aarau après ma première journée d'essai. Je me sentais bien, le travail était intéressant et l'employeur et moi nous étions fait bonne impression.  

Puis mon téléphone sonne. Quand je réponds, un monsieur Docteur F. des urgences en Allemagne me demande si quelqu'un d'autre m'a déjà appelée ? Je lui réponds que non. Il me dit que ma fille a été gravement blessée après une chute d’environ 15 mètres et que les secours l'ont amenée aux urgences. L’équipe des chirurgiens a opéré pendant plus de 4 heures pour réparer les dégâts les plus importants et je dois venir à l'hôpital aussi vite que possible parce qu'on ne sait pas si elle survivra !  

J’étais sans voix, j’avais du mal à respirer. La nouvelle a été un choc. J’étais sur le quai, abasourdie, mes pensées tournaient en rond. Puis le train est arrivé, je suis montée à bord comme une automate. J'ai appelé mon ami pour qu'il me réserve le prochain vol pour aller voir ma fille ! Dans le train, des sentiments de colère, de déception, de douleur, d’impuissance, le tout mélangé, sont montés en moi.  Le choc a été énorme. 

Sans oublier qu'à Aarau, j'étais à 700 km de distance des urgences où l'on s'occupait de ma fille, soit au moins 8 heures de route ! Je n'avais pas le choix, il fallait que je rejoigne ma fille aussi vite que possible à l'hôpital ! Le jour même, il y avait un vol au départ de Zurich à destination de l’Allemagne. Mon ami s’est occupé de tout et à 20h30 le soir, nous étions aux urgences. À l’accueil, nous avons attendu que le médecin s'adresse à nous. 

Le choc était trop violent

J’avais un sentiment de malaise. Avec ce silence dans la salle d’attente et mon cœur qui battait à tout rompre. Le choc était toujours énorme. Finalement, nous avons été conviés dans le bureau du médecin, qui nous a calmement expliqué la situation et toutes les opérations et mesures entreprises jusqu’à présent, en nous montrant les multiples fractures et blessures sur les radios. Quand j’ai vu les images, j’ai pris conscience de l’ampleur du traumatisme. Le choc m’a frappée profondément, je secouais la tête, ma gorge était sèche, je ne sentais plus rien et mes jambes n'obéissaient plus, mon ami m’a rattrapée. 

Le médecin a ajouté qu’on ne savait pas si ma fille survivrait aux jours à venir à cause de la gravité de ses blessures et que nous pouvions immédiatement aller la voir aux soins intensifs. La démarche difficile, les pensées qui tournent en rond dans ma tête, la peur, l’horreur, des tonnes de questions. Et malgré cela, j'ai refusé de penser au pire et je me suis accrochée à la pensée presque irréelle, « elle est vivante ». Ce fut le début de ma manière de gérer ce choc.
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Mon enfant dans le coma – elle est vivante

Soins intensifs des urgences : la porte s’ouvre après une attente sans fin. L’infirmier s’approche tête baissée et nous invite à entrer dans la chambre où ma fille est allongée, dans un coma artificiel. Elle est à peine reconnaissable, tant son visage est gonflé par les doses élevées de médicaments. Son corps est couvert, mais les vis des fractures multiples sont facilement visibles sous les couvertures. Ça a été un choc. Je n’oublierai jamais cette vision. 

L’infirmier s’est montré extrêmement compréhensif et nous a expliqué certaines choses. À cause de l’impact subi par le corps après une chute de cette hauteur, la plupart des organes sont touchés et gonflent très rapidement. Cela provoque d'une part un problème d'espace dans le corps et d'autre part un risque de septicémie, une infection potentiellement mortelle de l’ensemble du corps. Pour prévenir ce danger pour le circulation sanguine, elle a reçu des antibiotiques à forte dose. Une septicémie commence toujours par un foyer infectieux qui s’étend au reste de l’organisme. Cela provoque une réaction immunitaire, disproportionnée par rapport à l’infection locale. Dans le pire des cas, il ne reste que quelques heures avant qu’un organe ne soit gravement endommagé.

Je me suis approchée du lit. La voir me rassurait un peu, « elle est vivante », c'est ce que je me disais ! J’ai touché son cou et je l’ai caressée, en lui disant : « Coucou chérie, c'est maman. Tu vas y arriver, tiens bon, je suis avec toi ! » Parler avec elle m’a réconfortée, mais je savais aussi que dans le coma, le subconscient pouvait entendre et sentir le contact. J’espérais qu’elle sentirait ma présence et qu’elle y puiserait de la force. 

Gérer le choc

Dans la nuit, nous sommes rentrés dans un hôtel près de l'hôpital. Sur le chemin, nous avons rencontré le petit ami de ma fille en compagnie de ses parents. Ils allaient à l’hôpital, son petit ami était pâle et choqué. Nous avons échangé quelques mots, puis nous nous sommes séparés. Les larmes me sont venues. J’étais encore sans voix et sous le choc. Ce n’est que sous la douche à l'hôtel que j’ai perdu pied et que j’ai enfin pu pleurer. Cela faisait très longtemps que je n'avais pas pleuré aussi fort. Je me suis sentie un peu mieux après. Le petit-déjeuner à l'hôtel le matin a été un calvaire. Les événements devenaient de plus en plus conscients. Je n'arrêtais pas de pleurer, je me demandais ce qu'il adviendrait de ma fille, de notre famille. Les autres clients me jetaient des regards intrigués et mon sentiment de douleur et d’impuissance face à cette situation était insupportable. 

Ce drame devenait de plus en plus réel, tout le corps de ma fille était brisé, je ne comprenais plus rien, je me demandais pourquoi ? Elle était si parfaite et belle, une créature intelligente et sensible dotée d’une forte volonté. C'est ce que je pensais d'elle avant l'accident. Mais devais-je m'arrêter là ? Est-ce que j’aurais dû regarder plus loin ? Comment aurais-je pu l'éviter ? N’avais-je pas assez pris soin d’elle ? Est-ce que j'avais manqué le coche ?     

Une femme est assise sur une chaise, les genoux repliés, et regarde par la fenêtre. | © unsplash Ce qui s'est passé ne s'est infiltré que lentement dans sa conscience. (unsplash )

Regarder – écouter – être attentive – vigilante

Longtemps avant, ma fille avait sombré dans la dépression. Elle ne voyait aucune autre issue que de sauter par la fenêtre pour échapper à ces symptômes douloureux. Je savais que c’était pour ça qu’elle était suivie par un médecin spécialisé. Quand elle était désespérée, je l'écoutais pendant des heures. Nous parlions aussi de la brutalité de l'acte de suicide en soi et du fait d'y survivre avec des séquelles. « S’il te plaît, ne nous inflige pas ça, ni pour toi, ni pour moi, promets-le-moi ! », c'est ce que j'avais demandé à ma fille. « Oui maman, je te le promets, ce n’est pas une option », m'avait-elle répondu. Elle savait qu'elle pouvait me faire signe si elle avait besoin d'aide. Souvent, il s'écoulait longtemps sans que je n'entende parler d'elle, ce qui m'inquiétait beaucoup. J’essayais de refouler ces pensées, c’est une jeune femme adulte, elle a besoin de vivre sa propre vie, je ne voulais pas être constamment à l'embêter. Je l'avais finalement encouragée à parler de ses pensées sombres avec un médecin spécialisé, ce qu’elle a fait.  

Avec le recul, je me rends compte que cette approche ne lui a pas apporté la sécurité nécessaire. Le sentiment de culpabilité des parents ou des proches est totalement déplacé. Même les professionnels n’arrivent pas à maîtriser cette terrible maladie, comme on me l'a expliqué lors d'une discussion avec le médecin à l'hôpital. La seule chose que les proches des personnes dépressives peuvent faire est de ne pas les laisser seules, si possible, pendant les périodes de crise. Mais ce n'est pas possible d'être présents 24 heures sur 24.

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L’amour, l’attention et le temps « en contact »

Les jours suivants, je passais tous les jours du temps avec ma fille. J'étais épuisée, mais j’étais près d’elle, même si dans le coma, elle ne pouvait rien dire. J'ai toutefois pu parler avec les médecins et le personnel soignant, ce dont je suis très reconnaissante. Je notais les noms des personnes qui s'occupaient d'elle et tout ce qui se passait, je ne pouvais pas me souvenir de tout. J’ai trouvé cela très important, parce que je voulais tout expliquer à ma fille quand elle sortirait du coma artificiel. Une anesthésiste a pris beaucoup de temps et m'a donné un bon conseil :

« Quand votre fille se réveillera du coma, donnez-lui tout l'amour et l'affection que vous pourrez et ne lui reprochez jamais ce qui s’est passé. »

J'ai longtemps réfléchi à ces mots parce que pendant toute ma phase de gestion du choc, je me suis plusieurs fois débattue avec cette terrible colère de comprendre pourquoi ma fille n'avait pas vu d'autre issue que cette tentative de suicide. Et je me suis rendue compte qu'elle devait vivre avec une maladie terrible, qui lui enlevait sa capacité de discernement et la poussait à cette « sortie vers la lumière », comme dans un tunnel sans fin. J’éprouvais de la compassion et de l’impuissance face à la situation infiniment triste dans laquelle elle se trouvait. 

Pendant des semaines et des mois, j’ai pu accompagner ma fille de manière plus ou moins intense. Quand elle est sortie du coma artificiel, les médecins ont confirmé qu'elle ne souffrait d'aucune lésion cérébrale, un grand soulagement, car le langage, la vue, la coordination, etc. étaient tellement importants pour la suite de leur rééducation. Et pour ses fractures, ce sont d'innombrables opérations qu'elle a du subir. 

Comment apprendre le diagnostic à mon enfant

Le diagnostic de paraplégie m’a frappée d'un seul coup. J’étais sous le choc. Dans cette phase de gestion du choc, on se pose beaucoup de questions. Que va-t-elle devenir maintenant, tout sera différent, mais vraiment tout !? Est-ce qu’elle pourra remarcher ou devra-t-elle passer sa vie avec un handicap en fauteuil roulant ? Au moment de notre première discussion, le responsable de la chirurgie était présent près de ma fille quand elle a été informée du diagnostic . Nous avons tous retenu notre souffle, tout le monde avait les larmes aux yeux, elle était si jeune. 

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Accompagnement pendant la phase de rééducation

Une fois les opérations terminées, il a fallu réfléchir à la rééducation. La thérapie a été très bien réalisée et était conforme aux exigences complexes. Des professionnels ont travaillé intensément avec ma fille sur son programme de rééducation. L'hôpital organisait des « groupes de fauteuils roulants » pour travailler ensemble sur la motricité, tout en leur permettant de gérer le choc. Le fait que j’accompagne ma fille à la clinique de rééducation a beaucoup compté pour elle. Elle se sentait moins seule et cela la motivait tous les jours à suivre les séances d’entraînement avec moi. Je l’ai soutenue partout où j’ai pu. 

Sa question presque puérile : « Maman, dis-moi que tout va bien se passer. », m'a beaucoup touchée. Je n’avais pas de réponse, juste la certitude que tout a du sens quelle que soit l'issue. 

« Parle de ses inquiétudes et de ses craintes à ta fille, écoute-la attentivement, sois forte et si elle te redemande, réponds-lui : "Nous avançons aussi loin que nous arrivons." Cette phrase ouvre un champ de possibilités et la motivation est la clé de voûte de la rééducation. »

Ma fille avait une volonté incroyablement forte. Les jours un peu moins bien, ses larmes coulaient sur ses joues et j’avais du mal à la voir comme ça. Le lendemain, elle rassemblait toutes ses forces et disait : « Je veux réussir, je veux remarcher, je veux vivre ! »

Rétrospective – Dans le présent – Dans le futur

Aujourd’hui, je peux dire que nous avons réussi ce chemin difficile jusqu'à une guérison presque complète, avec tous ses hauts et ses bas. Ma fille vit aujourd’hui avec un handicap de 70 %. En tant que paraplégique, elle a eu une orthèse de la jambe complète au début pour la faire sortir de son fauteuil roulant. Elle coordonne ses jambes et grâce à une orthèse de la cuisse, elle marche de nouveau et sa démarche est tout à fait acceptable pour une jeune femme. Elle peut, dans la mesure du possible, renoncer à une gestion de la vessie et de l'intestin. Elle bénéficie d’un soutien financier, physiothérapeutique et médical. 

Elle a un fils et voudrait reprendre un travail. Cela lui donne de la force et une sorte d'équilibre par rapport au fait qu'elle ne peut plus pratiquer certaines activités comme le jogging, le ski, le vélo, la randonnée qu'elle adorait. Les heures et nuits blanches passées à faire des recherches sur les soins médicaux, la profession, les emplois, la relation de couple, les sports et les loisirs, les remèdes et les moyens auxiliaires, le financement d’autres moyens auxiliaires ou de transport non pris en charge par l’assurance maladie (vélo à trois roues), etc., nous ont demandé beaucoup d’énergie et d’endurance. Mais ces efforts valaient le coup pour la vie d'une jeune fille en situation de handicap.  

Les échanges avec d’autres parents m’ont également beaucoup aidée. Il m’a fallu du temps pour aller chercher de l'aide auprès d'un groupe de proches, une association pour les proches de personnes souffrant de troubles mentaux. C’est pourquoi je tiens particulièrement à donner du courage, de la force et de la confiance à tous les parents d’enfants ou d’adolescents en situation de handicap qui sont confrontés à ces problèmes dans la même situation. Vous seriez surpris du nombre de portes qui s’ouvrent soudainement, de l’humanité et de l’empathie que vous recevez si vous restez ouvert à de nouvelles voies et opportunités. 


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