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Le quotidien des parents d’enfants en situation de handicap

Bettina et Rainer Urbanski ont longtemps désiré devenir parent. C'est le jour de la naissance de leur enfant que le couple apprend que leur fils est atteint de trisomie 21. Ce diagnostic a beaucoup impacté le couple et mis leur relation à rude épreuve. Ils ont dû apprendre à gérer cette nouvelle situation. Avec ses besoins spécifiques, leur fils allait vivre une vie différente et pourtant se développer de manière étonnamment positive. Dans cet interview, Bettina Urbanski nous explique comment le couple a organisé leur quotidien pour surmonter cette épreuve.

Un couple se tient la main. | © pexels

Le couple Urbanski raconte son quotidien avec un enfant en situation de handicap. (pexels)

Comment avez-vous réagi au diagnostic ?

Ce n’est que pendant l’accouchement à l'hôpital que j’ai appris que «quelque chose clochait avec le petit». Après l’accouchement, mon fils, Sebastian a immédiatement été séparé de moi. Il ne respirait pas seul. Je n'ai donc pas entendu de premier cri, comme c’est censé être le cas chez les nouveau-nés. Sebastian a été placé sous respiration artificielle à l’unité des prématurés. J’étais très triste. J'étais une toute jeune maman, je me sentais très seule dans la salle d’accouchement. Je ne savais pas ce qu'avait Sebastian, je savais juste que « quelque chose clochait ». J'ai ressenti de la douleur et de l'impuissance. Sebastian a été placé dans l’unité des prématurés, aussi parce qu’il était beaucoup trop petit. Les échographies n'ont pas permis de constater le problème. Mon mari a parlé à tous les médecins concernés pour obtenir des informations sur l’état de santé de Sebastian. Ce n’est qu’en rentrant chez nous que nous avons reçu le diagnostic final: trisomie 21 (ou syndrome de Down). Chez les personnes ayant une trisomie 21, le chromosome 21 est présent trois fois dans le génome au lieu de deux. Sebastian a aussi l’apparence typique associée et son développement physique et mental a été beaucoup plus lent que celui des autres enfants.  

Comment avez-vous surmonté ce traumatisme ?

Le désespoir nous a submergés tous les deux au début. Comme d’autres couples, nous avions des projets totalement différents pour notre vie. Nous avions aussi des tonnes de questions concernant cette nouvelle situation. Au début, c'est comme si nous étions dans un grand trou noir, nous n’avions aucune idée de ce qui nous attendait ni de ce qui allait se passer. A cette époque, les aides pour parents d'enfants en situation de handicap étaient très rares et internet n'était pas encore accessible au grand public afin d'obtenir des informations ou d'échanges avec des parents dans la même situation. 

Mais une chose était sûre dès le début: nous avions désiré cet enfant et voulions qu'il ait une vie heureuse. Nous n'avons donc pas écouté les recommandations des médecins qui nous demandaient de placer Sebastian dans un centre de soins spécialisé. Pour surmonter cette situation, nous avons regardé de l'avant et avons cheminé pas à pas avec notre fils.

Concrètement, comment avez-vous relevé ces défis en tant que parents ?

J'ai commencé par tirer mon lait pour nourrir Sebastian avec une sonde. Concernant l’organisation quotidienne, nous avions cherché chaque jour des solutions pour encourager autant que possible notre enfant à se développer, c'est surtout la famille qui nous a aidés. Ma mère et son mari venaient nous aider de temps en temps, tout comme la mère de mon mari, qui est malheureusement décédée très vite. Pendant un certain temps, nous avons vécu chez mes parents. Ce modèle familiale, avec plusieurs générations sous le même toit, a permis à Sebastian une prise en charge adaptée à ses besoins. C'est la cohésion familiale qui nous a confortés dans nos choix. Vivre avec un enfant en situation de handicap ne signifie pas arrêter de vivre, la vie est juste différente de ce que nous avions imaginé. Nous savions que notre enfant aurait besoin d'un encadrement pendant longtemps. Sebastian ne pouvait évoluer qu’avec un soutien précoce ciblé. Et c'est parce que nous avons suivi notre intuition que Sebastian est aujourd'hui capable d'être presque entièrement autonome.

Nous avons testé et mis en œuvre tout ce qui est possible et imaginable. Pour Sebastian, ça a été positif d'avoir tout essayé. Par exemple, nous faisions des exercices de motricité fine et de coordination plusieurs fois par jour.
Sebastian a souvent été malade et à chaque fois, nous avions l'impression que cela le faisait régresser dans son développement. Mais heureusement Sebastian était très motivé, il était d'accord de tout essayer. Tout ce qu’il apprenait, y compris le vélo, l’a motivé. En tant que parents, le fait que Sebastian était si facile à motiver et à encourager quand il était enfant nous a beaucoup aidés. 

De quelles offres de soutien concrètes avez-vous pu bénéficier ?

Dans notre région, il n’y avait pas d’offre de soutien spécifique pour l’organisation de la vie quotidienne des parents de jeunes enfants atteints de trisomie 21. Quand Sebastian a eu trois ans, il n'y avait que peu d’établissements pour enfants nécessitant des mesures éducatives spécialisées qui auraient pu soutenir les besoins spécifiques de Sebastian. 

Nous n’avons pas accepté cette situation, nous avons donc tout organisé nous-mêmes. Une clinique proposait des programmes de rééducation par la coordination de la motricité fine et la natation aux enfants et adultes souffrant de parésie spastique. Nous sommes allés leur parler et nous nous sommes battus pour que Sebastian puisse participer à autant de programmes que possible là-bas. Ça n'a pas été facile, car l’ergothérapie n’était pas adaptée aux enfants trisomiques. Par exemple, pendant un exercice de modelage avec de la pâte à modeler, Sebastian a tout à coup voulu avaler la pâte à sel. Et des programmes, comme les bébés nageurs ou la gymnastique pour bébés, n'existaient pas encore. 

Nous avons organisé notre quotidien en faisant preuve de beaucoup de persévérance et de ténacité. Nous avons ouvert de nouvelles voies partout où nous pouvions pour aider Sebastian dans son développement. Dans une communauté ecclésiastique, il y a eu un groupe de danse dans lequel nous avons réussi à intégrer Sebastian. 

Nous avons toujours cherché des structures d’accueil adaptées. Il était hors de question pour nous de placer Sebastian dans les résidences de jour disponibles pour les personnes avec un handicap car on n'y encourageait pas le développement autant que nous aurions voulu. Pour Sebastian, un tel établissement aurait signifié la stagnation, voire même une régression dans son développement. Nous avons donc gardé le cap que nous nous étions fixé. 
Nous avons aussi essayé de faire entrer Sebastian dans un jardin d'enfants public. Le premier jour de sa scolarisation, l’établissement a été mis en quarantaine, c’était décevant. Alors nous nous sommes dit que c'était peut-être le destin, même si c'était un établissement très intéressant pour les enfants avec de beaux espaces pour jouer. Nous avons alors organisé un encadrement privé mais là aussi ça a été un échec. Nous avions mis en place un programme d’exercices pour Sebastian avec son accompagnant, mais ce programme n'a pas fonctionné.  Nous avons alors trouvé une autre solution: scolariser Sebastian dans un jardin d'enfants religieux près de chez nous. Cette structure accueillait des petits groupes de 10 à 15 enfants, ce qui nous a beaucoup plu. C’est dans cette institution que Sebastian a pu être encadré et encouragé avec ses besoins spécifiques. Il y a beaucoup appris, comme dire la bénédicité, et a on lui a aussi enseigné la Bible, même si, bébé, il a toujours eu un peu peur des églises.  

Grâce à cet encadrement par le jardin d’enfants religieux, j’ai osé reprendre une activité professionnelle à temps partiel. Mes horaires de travail étaient tels que je ne travaillais qu’une semaine sur deux. Mon mari et ma famille m’ont toujours soutenue.

Qu’auriez-vous aimé avoir comme offres d’aide pour les parents ?

Nous avons été suivi par le bureau de conseil en génétique humaine de Berlin-Buch. Les autres établissements pour personnes en situation de handicap ont toujours été hors de question pour nous parce qu'ils ne répondaient pas aux besoins spécifiques de Sebastian. Nous aurions surtout aimé pouvoir échanger avec d'autres parents concernés, mais dans ce domaine, il n'y avait aucune possibilité. Bien au contraire, les médecins du bureau de conseil en génétique humaine ont conseillé aux parents rencontrant les mêmes problèmes que nous de se tourner vers nous pour des conseils. Beaucoup de parents nous ont contacté. Presque tous les soirs, nous avions des parents à la maison pour les conseiller et les soutenir dans l'organisation de la vie quotidienne. Nous avons ainsi aussi eu la possibilité de digérer tous les défis du quotidien aux côtés de notre fils. Les discussions avec les parents nous ont confirmé que nous avions, la plupart du temps, pris les bonnes décisions et fait les bons choix. Le fait de pouvoir aider d’autres personnes nous a, d’une certaine manière, conforté dans notre attitude optimiste et positive face aux défis du quotidien.  

Concernant la médecine spécialisée, nous aurions aimé avoir plus de valeurs empiriques ou d'études sur la vie des enfants en situation de handicap. Aujourd'hui, les compétences des médecins ont beaucoup évolués dans le bon sens. Sebastian avait une très bonne pédiatre, très expérimentée qui l’a accompagné jusqu’à sa retraite. 
Outre l’assistance médicale, il est important que les parents puissent échanger leurs idées concernant l'organisation du quotidien dans des groupes d’entraide. Les parents peuvent aussi profiter des possibilités offertes par des centres de loisirs et par des professionnels pour les enfants et les jeunes en situation de handicap.

Deux personnes tiennent chacune une tasse de café. | © unsplash Les parents ne cessent pas simplement d'être un couple d'amoureux. (unsplash)
Concrètement, qu’est-ce qui vous a le plus manqué ?

L’échange d’idées avec des parents concernés expérimentés. 
Les années où nous avons accompagné notre fils, nous avons constaté qu'il existait des caractéristiques phénotypiques spécifiques aux personnes trisomique 21. 

Ces caractéristiques phénotypiques sont liées à la particularité génétique de la trisomie 21. Ce gène en trop fait que les personnes touchées agissent et se comportent pareil. Sebastian travaille au théâtre RambaZamba à Berlin, un théâtre inclusif. C’est là que nous avons rencontré beaucoup de personnes ayant de nombreuses similitudes dans leur comportement et leur façon de voir le monde. Nous aurions aimé aborder cela plus tôt. 

Comment avez-vous géré votre relation de couple avec tous ces défis ?

Dr. Christof Wunderlich parle de sa longue expérience dans la prise en charge de personnes ayant un handicap mental: en tant que médecin en psychiatrie infantile et juvénile, spécialisé dans la prise en charge de personnes ayant un handicap mental et de leurs parents, il parle en tant qu'expert de sa propre expérience, car il est père de deux enfants en situation de handicap. Il aborde avec beaucoup de sensibilité de l’origine, des effets et des différentes étapes de vie des personnes ayant un handicap mental. Il montre à travers de nombreux exemples et témoignages de personnes touchées comment les personnes ayant un handicap mental et leurs proches peuvent mener une vie épanouie. Accepter son destin devient une opportunité: «Accepte-moi tel que je suis» est un appel à tous.

Bettina Urbanski souligne également que pour relever de tels défis, il faut une bonne relation de couple, afin que l’amour ne se brise pas: "Sebastian était notre enfant désiré, dès le début, nous savions que nous prendrions soin de notre fils avec amour."

Notre approche: plus Sebastian devient indépendant, plus nous reprenons notre vie en main dans une relation de couple consolidée. Parfois, nous demandions à ma mère de garder Sebastian et nous allions au théâtre ou trouvions le temps de participer à d'autres manifestations culturelles. Grâce à ce que nous avons vécu ensemble, à l'inspiration et à la joie de vivre que nous avons ressentis, nous avons consolidé notre relation de couple et l'amour de notre enfant. Nous avons vécu une période difficile et malgré cela, nous avons réussi à vivre. Sebastian a aussi beaucoup enrichi notre vie, parce qu’il nous procure beaucoup de joie notamment de part son caractère particulier. 
 
Il faut exploiter les forces et les ressources, il faut prévoir du temps pour la relation de couple et pour l’enfant dans ces besoins particuliers. Nous étions convaincus de trouver un moyen de ne pas perdre de vue nos objectifs personnels, même si les obstacles du quotidien étaient difficiles.  

Comment avez-vous relevé le défi de vous occuper de Sebastian et de travailler en même temps?

Pendant les trois premières années, je suis restée à la maison pour m'occuper de Sebastian. Après une recherche assez laborieuse d’un établissement approprié, j’ai pu reprendre mon métier de journaliste à la Berliner Zeitung à temps partiel quand Sebastian est entré au jardin d'enfants. Cela n’a été possible que grâce au soutien de la famille et du jardin d'enfants. Je tenais vraiment à retourner au travail.  

Comment votre entourage a-t-il réagi?

Ma famille nous a beaucoup aidés. Nos amis sont tous restés et cela a même renforcé le lien, notre amitié dure encore aujourd’hui. Un environnement familial et social est important pour ne pas gérer seuls la vie quotidienne. Dans ce domaine, nous avons eu de la chance. Beaucoup de gens se détournent dès les premiers soucis ou difficultés et ne sont des amis que lorsque tout va bien. Heureusement, nous n'avons pas vécu cela. Dans mon travail aussi, mes collègues se sont montrés très compréhensifs et ont accepté Sebastian tel qu’il est. 


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