Devenir indépendante avec une maladie et sans l'aide de ses proches
Je m’appelle Tamara Weber. Pendant vingt ans, j’ai dû faire face à divers troubles alimentaires. Je vivais dans un milieu qui n’avait pas appris à gérer cette maladie. Sans l’aide des autres, j’ai réussi à m'en sortir et vivre de façon autonome. Aujourd’hui, je suis guérie et je partage mon expérience avec le monde entier.
Tamara a trouvé le chemin vers une vie indépendante. (unsplash)
Je me rappelle que cela n'avait rien de spécial pour moi, je ne connaissais rien d'autre. C'était devenu normal. Concrètement, je savais que je devais être capable de me gérer dans des situations difficiles. Ce n’était pas bien de demander de l’aide à cause du sentiment de honte et de culpabilité et cela ne se faisait pas dans notre milieu. Je me suis donc dit que je devais gérer ça seule, il n'y avait personne pour m’aider.
Non, je n’avais personne pour m’aider à sortir de la maladie et devenir indépendante. Je dois dire qu'en hiver, je portais beaucoup de couches de vêtements pour que personne ne remarque ma maigreur. En été, je faisais pareil. Souvent, je portais une écharpe, un bonnet, des gants et plusieurs couches de collants pour m’assurer que personne ne remarquerait que je n'allais pas bien.
Lors d’une fête du Nouvel An, j’avais mis des pantalons très serrés et mes jambes étaient très fines. Une amie sur la piste de danse m’a dit que j’étais vraiment mince. Mais personne ne s’est approché de moi pour me dire : « Tamara, j'ai l'impression qu’il y a quelque chose qui cloche chez toi. On dirait que tu ne vas pas bien. Tu veux en parler ? ».
Avec le recul, je ne pense pas que ce soit négatif. Mon entourage n'était juste pas capable de me donner plus, car il ne savait pas comment gérer la maladie. C'est OK à mon avis. Pour moi, ça m'a permis d'apprendre et finalement d'accepter le fait que cela ne signifiait en aucun cas que mes proches m’aimaient moins.
Si mes parents ou amis m'avaient proposé de l'aide, je n'aurais pas pu l'accepter. Je n’aurais pas été disposée à parler ouvertement de mes troubles alimentaires, parce que moi-même, je ne comprenais pas vraiment ce qui m'arrivait.
J’ai appris à vivre sainement. J’ai aussi appris à gérer les émotions négatives comme la culpabilité, la honte, le chagrin, la colère, etc. Dans la vie, il y a toujours des hauts et des bas. Il faut apprendre à vivre avec. De la même manière, j’ai dû accepter que je ne pouvais pas contrôler la vie. La vie est en constante évolution. Rien n'est figé pour toujours.
C’était un apprentissage permanent. Apprendre à ressentir, apprendre à m'accepter et à connaître mes besoins, apprendre à fixer des limites, apprendre à gérer mes périodes sombres, apprendre à comprendre que c’est un processus qui n’a ni commencement ni fin, apprendre à affronter la peur. Même si on se trompe, il faut se relever et avancer. Ça ne sert à rien de rester là à se dire que d'une manière ou d'une autre, ça va aller. Dans une seconde étape, il a fallu que j'en parle à d’autres personnes, car pendant longtemps, j'avais honte de ne pas aller bien.
Ces expériences m’ont aidée non seulement à surmonter mes troubles de l’alimentation, mais aussi dans tous les autres domaines de la vie. Formation, indépendance ou relationnel : ce qui compte, c'est de se relever et d’avancer.
Comme je l’ai dit au début, j’ai lutté pendant 20 ans contre mes troubles de l’alimentation et pas seulement ça, mais aussi des troubles mentaux comme la dépression, des troubles de la personnalité et des traumatismes. Il n'y pas d'élément clé qui m’ait fait sortir de toutes ces maladies pour me mener à l'indépendance, mais plein de petits succès qui m'ont guérie au fur et à mesure.
L’un de ces petits succès s’est produit à Coire quand il neigeait. Je suis allée dans une cabine téléphonique et j’ai appelé une ligne d’urgence. Je me suis fait passer pour quelqu’un d’autre au téléphone et j’ai raconté à une dame au téléphone que j’avais une copine qui ne mangeait plus et maigrissait à vue d'œil. Cette dame m'a posé quelques questions sur le poids, la taille et ainsi de suite. À la fin, elle m’a dit que je pouvais dire à ma copine qu’elle ne survivrait pas longtemps dans cet état. J’ai raccroché. J'étais seule dans la cabine téléphonique et j’ai réfléchi à ce que cette dame m'avait dit. Elle a plusieurs fois parlé de « mort ». J’ai alors réalisé que j’avais un problème. Je suis toujours partie du principe que tout allait bien. Ce jour-là, j’ai accepté que je souffrais de troubles de l’alimentation, une étape importante vers la guérison.
-
1
Je ne voulais pas entendre que c'était mal, que je faisais les choses mal ou que je pouvais les faire autrement, voilà ce que je peux dire sur les préjugés et les reproches dans la famille. Inconsciemment, je le savais, mais je ne voulais pas l'entendre. Ce que je voulais entendre, c'est que mes parents étaient là pour moi, quoi qu'il arrive. L'enfant doit pouvoir montrer ses faiblesses, tout simplement parce que ça fait aussi partie de lui. Quand on vit tout seul, il y a toujours des moments où on a besoin des autres. Les parents doivent juste écouter, sans juger. Ainsi, à table, s'ils se rendent compte que l'enfant mange un peu mieux, il ne faut pas hésiter à le féliciter : « Bravo, c'est bien. Je vois que tu fais des efforts. » Et surtout pas « Oh, pourquoi tu ne manges pas ça aujourd’hui ? Et hier, tu n’en as pas mangé. » Ce comportement des parents n'apporte rien à l’enfant, parce qu’il essaye encore et encore, mais il finit toujours par se faire réprimander. Cela conduit à une perte d’estime de soi chez l’enfant. L'enfant aura alors tendance à encore plus rentrer dans sa coquille et à ne plus communiquer. La logique ne sert à rien quand on essaie d'expliquer les troubles alimentaires à une personne en souffrant. La personne est vraiment obsédée par la nourriture.
-
2
Et autre point important, il ne faut jamais attraper un enfant en flagrant délit. S'il est boulimique et s'il se rend aux toilettes pour se faire vomir après avoir mangé, les parents ne doivent pas le suivre et le mettre devant le fait accompli devant tout le monde. Il vaut mieux que les parents attendent que ça aille mieux, puis demandent si ça va et se contentent d'écouter.
-
3
Les parents ne doivent pas réduire la vie à la maladie ou au handicap de l’enfant. Montrez à l’enfant ce qu’est la vraie vie. À quoi ressemble la vie sans soucis ni angoisses ? Montrez-le à l’enfant. L’enfant n’a pas besoin qu'on lui parle sans cesse de sa maladie ou de son handicap. Sortez avec l’enfant, partez randonner, faites du shopping, passez du temps à faire des choses joyeuses. L’enfant peut aussi apprendre de ses parents comment devenir indépendant.
-
4
Les parents doivent accepter qu’ils ne pourront pas aider leur enfant à 100 %. Les parents peuvent toujours être là pour l’enfant, l’écouter et demander s'il a besoin de quelque chose. Mais le plus important, c'est de savoir que l'enfant est le seul à pouvoir changer la situation. Il est responsable de sa propre vie. Pour moi, il n’existe qu'un cas dans lequel les parents doivent agir contre la volonté de l’enfant. C’est quand le professionnel de santé les informe que l'enfant est en danger de mort. L’enfant détestera peut-être ses parents au début, mais avec le recul, il en sera reconnaissant, car les parents agissent pour le bien de l’enfant.
-
5
Le dernier point est de s'aider soi-même. Les parents méritent aussi d’avoir une vie heureuse.
Depuis cinq ans, j’ai commencé à conseiller, accompagner et coacher des personnes souffrant de troubles alimentaires. Depuis un an, j’accompagne des parents. J’ai remarqué que les parents sont débordés, qu’ils s’en prennent à eux-mêmes et qu’ils ne comprennent plus le monde. J’essaie d’associer l’expertise et l’expérience pour aider les malades et leurs familles.
Si vous voulez en savoir plus sur les troubles alimentaires, la dépression, les traumatismes et la boulimie, nous vous recommandons nos articSi vous souhaitez en savoir plus sur la dépression, lisez l'article suivant: